Conclusion

La lourde porte en fer forgé s’ouvre en silence.
C’est une nuit paisible, à peine hantée par le hululement des chouettes perchées sur les chênes centenaires. Ils bordent une allée détrempée par la pluie qui mène jusqu’à une grande maison aux fenêtres éteintes.
La femme saute quelques flaques, ses pas ne font aucun bruit.
Elle n’est pas là pour visiter, pourtant elle s’arrête à deux reprises pour admirer l’endroit. Elle sent la profonde tristesse qui habite ses murs, elle entend les voix en écho, partout autour de la propriété.
Elle lève la tête. C’est un superbe travail, elle doit le reconnaître.
Pratiquement indécelable pour les yeux non avertis.
Ses lèvres laissent échapper un petit soupir puis elle marche encore, jusqu’à se trouver devant les fenêtres du rez-de-chaussée.
Elle pose sa main gantée sur la vitre. Des volutes glacées s’y dessinent et s’étirent, avant de disparaître.
La porte s’ouvre, la femme entre.
Elle s’immobilise devant l’immense escalier, le temps de relire la lettre qu’elle vient de sortir de son lourd manteau.
Un sourire se profile sur son visage.
Froid, tout comme elle.
Comme la maison aussi.
La femme avance dans des pièces figées par l’hiver qu’elle a elle-même créé. Elle évite les grains de poussière et de lumière en suspension puis pose le pas sur l’épaisse moquette qui recouvre les marches.
Là encore, elle la sent.
La vibration est partout : dans les murs, sur les vitres, dans l’air.
Elle aurait pu arrêter ça elle-même, mais elle trouve plus drôle de prendre sa Sœur à son propre jeu.
Elle décide de ne pas explorer le premier étage, préférant monter directement au second. Jusqu’à ce bureau, à gauche, dans lequel sont entreposés les journaux.
Elle range la lettre et sort, cette fois, un carnet à la couverture noire, qu’elle feuillette.
Elle en déchire des pages avec lenteur, le même sourire froid étire ses lèvres en pensant à la personne qui lui a remis toutes ces précieuses informations. Elle doit sûrement se dire, à présent, qu’elle a réussi sa mission. Cette simple idée la réjouit. Ces fichus mortels ont cru la berner, mais la femme est bien plus maligne.
Un rictus lui échappe quand elle dépose le carnet à l’endroit exact où, plus tard, il sera retrouvé.
Laisser supposer que l’on peut modifier le temps à sa guise reste l’une de ses plus belles trouvailles et cette fois encore, tout se déroulera selon ses propres plans à elle.
Ce monde sera détruit, car personne ne pourra l’empêcher.
Elle hoche la tête, satisfaite, puis repart en sens inverse.
Elle aurait pu aimer cet endroit, si les humains ne s’y étaient pas tant accrochés.
Une fois devant l’immense portail, elle se retourne. Une silhouette l’observe par la fenêtre, un homme sur lequel elle n’a aucune prise. Il fera tout pour que la fille ne parvienne pas à ses fins. Elle le sait. Mais il échouera encore.
Elle lui adresse un signe de la main et peu à peu, le temps reprend son cours.
Quand elle s’éloigne, un corbeau se pose sur le portail.
Puis se fige.
Tout est prêt.