J’ai décidé de me lancer dans l’auto-édition de mes livres fin 2016 avec Somnium, réservé à un cercle proche, puis de façon plus globale en 2017 avec Sur le Bitume. À ce jour, j’ai sorti trois livres : Sur le Bitume, Sous la Cendre et 2040, l’année dernière. C’est ce recueil que je vais utiliser en exemple pour cet article.
Pourquoi cet article ? Parce que je constate régulièrement que les personnes avec qui j’échange sur l’édition indépendante ne se rendent absolument pas compte de l’investissement de temps et d’argent que cela représente. Et pour répondre aussi aux personnes qui m’ont glissé un petit « Moi je n’achète pas si c’est plus de 30€ ». Allez, c’est parti !
Rappel des circonstances : 2040 est un recueil de nouvelles, mis en vente pour le dixième anniversaire du site. Quarante exemplaires ont été imprimés en tout, aucune réimpression n’a été demandée (par choix).
Il y a donc déjà trois critères particuliers d’importance : des exemplaires limités, une publication papier uniquement et des nouvelles, moins vendeuses en général que les romans.
Chaque exemplaire était vendu au prix de 12€, ce qui en théorie représenterait un gain total de 480€. Vérifions.
Les démarches administratives
Quiconque veut mettre en vente un livre doit se plier à des démarches administratives très précises. La toute première à laquelle il faut penser, c’est l’ISBN (International Standard Book Number). C’est le numéro qui va identifier votre livre, il est unique pour chaque publication et obligatoire à partir d’une publication de 100 exemplaires (conseillé pour les ebooks). L’organisme qui délivre l’ISBN s’appelle l’AFNIL, la demande se fait directement sur leur site. Quand je me suis lancée, la demande d’ISBN était gratuite. Aujourd’hui, la première demande est payante (25€).
La seconde est le dépôt légal à la BnF. Il est obligatoire pour tout ouvrage papier distribué en dehors du cercle familial et doit figurer à la fin du livre. Il faut donc penser, lorsqu’on s’édite, à en réserver un exemplaire. L’envoi est gratuit.
Somme dépensée en tout : 0€
La couverture
J’ai l’immense chance de vivre avec un graphiste très doué (en toute subjectivité) et capable donc de me créer de jolies couvertures, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Cela représente un gain d’argent considérable, en tant qu’indépendante.
Pour 2040, j’ai utilisé une photographie libre de droits et gratuite, qui a été modifiée ensuite pour coller à ce que je souhaitais. Pour cet ouvrage, je n’ai pas payé non plus de police d’écriture (attention à ce que celles que vous utilisez soient libres de droit également) ou encore la création de mon logo.
En règle générale, la couverture fait partie des postes de dépense les plus importants. Passer par un·e illustrateur·ice, par exemple, peut représenter un gros investissement financier pour avoir du travail de qualité. Je vous laisse consulter le très juste article de Tiphs, à ce sujet. Pour un autre projet, je suis passée par une illustratrice professionnelle, dont je ne dévoilerai pas le tarif exact puisqu’ils ne sont pas indiqués sur son site. Sachez qu’il m’a fallu débourser cependant entre 400 et 800€ (et c’était même encore en-dessous de ce qu’elle méritait, à mon avis).
Il existe de nombreuses alternatives quand on n’a pas de budget (ça arrive) ou un·e graphiste sous la main : Canva (gratuite avec une partie payante) par exemple est pas mal utilisée et propose des créations assez qualitatives.
Somme dépensée en tout : 0€
Les prestataires
Quand on publie en indépendant·e, il est possible de passer par plusieurs types de prestataires :
– Pendant la préparation de votre livre : correcteur·ice, conseiller·e éditorial·e, illustrateur·ice, graphiste pour la mise en page…
– Au moment de la vente : plateformes d’auto-édition (type Librinova, dont je ne peux rien dire puisque je n’ai jamais testé), plateformes de ventes avec abonnement possible (Amazon)… Quand vous revendez sur une plateforme, n’oubliez pas que les sites prennent des commissions sur vos ventes.
Pour 2040 je ne suis passée par aucun prestataire de vente, car j’ai ma propre boutique. Je suis cependant passée par un imprimeur.
Pendant longtemps, je me suis contentée de Lulu.com pour imprimer mes bouquins, mais le peu d’options proposées me frustrait un peu (beaucoup) pour proposer quelque chose de qualité. J’ai donc passé pas mal de temps à comparer les offres d’imprimeurs basés en France, pour finalement arrêter mon choix sur une structure basée sur Bordeaux.
Fixer le prix de son livre fait partie des choses, à mon sens, les plus difficiles en auto-édition. Il ne faut pas perdre (trop) d’argent mais impossible de vendre un bouquin 40€ non plus. Pour ma part, je me base sur le prix unitaire TTC du projet pour cela.
En fonction du nombre d’exemplaires et des options, les tarifs peuvent passer du simple au double. Pour 2040, mes options étaient : des pages noires, un pelliculage mat, un papier épais. Prix unitaire : 6€
J’ai voulu ajouter du vernis sélectif pour la couverture, mais c’était malheureusement trop onéreux (9€).
Ajoutons à cela un BAT papier (Bon à Tirer) + la TVA + les frais d’envoi jusqu’à chez moi, soit un total d’environ 250€.
Pour être rentable, il est conseillé de fixer un prix qui soit le triple du prix de départ mais vendre un bouquin de 140 pages à 18€, c’est “trop”. Je me suis donc rabattue sur l’idée de fixer le double (et on m’a encore dit que c’était trop cher, je dis ça…. ^^).
Encore une fois, attention ! C’est un exemple très particulier car ce sont des exemplaires limités. Plus vous imprimez en grande quantité, moins le prix à l’unité sera élevé (et là il faut pousser les murs, en plus d’être certain·e d’écouler tout le stock).
Somme dépensée en tout : 250€
Les frais d’envoi
Autre chose à prendre en compte, et pas des moindres, les frais d’envoi. Là pour le coup, aucune solution possible en-dehors de la remise en main propre pour des exemplaires papier (pas de numérique pour 2040).
La Poste modifie ses tarifs régulièrement et propose plusieurs options d’envoi, à ajouter au prix du livre au moment de la mise en vente.
Mais si les frais postaux sont remboursés, il faut également penser à investir dans des enveloppes et/ou des colis pour des romans particulièrement épais. Je n’ai plus le prix exact en tête, il me semble que cela tournait autour de 40€ au total pour des enveloppes à bulles car j’ai fait la bêtise d’acheter à l’unité et pas en prix de gros. Je fais cadeau des frais d’essence pour me rendre au bureau de Poste 😀
Somme dépensée en tout : 40€
Il faut aussi compter la commission Paypal, aux alentours de 5% pour un paiement non personnel, mais j’avoue ne pas avoir trop regardé ^^’
Les frais annexes
Allez, -290€ et on enlève encore !
– Exemplaires gratuits : je me fais un point d’honneur d’offrir à mes relectrices un exemplaire pour services rendus. Dans le cas de 2040 : 4 exemplaires non mis en vente : 2 pour mes relectrices, 1 gardé pour moi, 1 réservé au dépôt légal (soit une perte de 48€).
– Livret bonus offert : pour 2040, 5 exemplaires de 1592 ont été glissés dans les premières commandes. Frais d’impression : 9€
– Impression des cartes de visite à glisser dans les bouquins : environ 50€
– Tampon et encre pour les dédicaces : 17€
Cette fois, pas de marque-pages, mais c’était le cas pour les deux premiers ouvrages vendus.
Somme dépensée en tout : 124€
Ce que je ne compte pas
Il y a d’autres frais, qui ne s’appliquent pas spécifiquement à 2040 : le temps passé (investissement tout de même conséquent entre l’écriture, la correction, la mise en page, les demandes de devis etc etc…), la licence de mes logiciels (car oui, je paie mes logiciels) à savoir Scrivener, Antidote, InDesign, les frais liés à mon site internet (nom de domaine, thème, modules ajoutés à la boutique pour l’émission de factures ou le calcul des frais de port…), les impôts/charges sociales, etc etc.
Total : 414€ soit dans ma poche un superbe bénéfice de… 66€.
Est-ce que je regrette ?
Spoiler : non.
J’ai une totale liberté avec mes bouquins, je n’ai pas à me préoccuper de ce qui plaira ou non à une tierce personne, je peux choisir qui je veux pour mes illustrations, décider d’écrire en violet sur une page noire si j’ai envie (non, je ne le ferai pas) bref, la maniaque du contrôle en moi est ravie.
De plus, les nouvelles restent un format qui se vend moins, je ne m’attendais pas à un tel résultat !
Pourquoi avoir fait le choix du limité ?
Cet exemple-ci est, comme je le disais en introduction, peu représentatif d’un mode d’auto-édition classique. En règle générale, on privilégie le numérique (beaucoup moins coûteux), voire le PoD (Print on Demand) qui permet d’économiser les frais d’envoi, le stockage, etc…
De plus, l’absence de limitation permet d’engranger davantage de bénéfices. Ici pour mes premiers ouvrages, j’ai privilégié les exemplaires papier limités, afin de me permettre de contrôler très exactement tous ces points : qualité, frais d’envoi, stockage, suivi des commandes / service après-vente, dédicaces pour celleux qui le souhaitaient, etc. … Ce ne sera pas forcément toujours le cas, mais ça reste très formateur !
Pourquoi je publie peu ?
Car le nerf de la guerre pour vivre de son écriture, c’est ça. Beaucoup publier, varier, arriver à promouvoir son ouvrage pour que les ventes soient régulières… J’ai eu la surprise, avec 2040, de constater que même un an après, on me contacte pour en obtenir un exemplaire. Un grand merci du coup à celles et ceux qui en ont parlé et en parlent encore régulièrement. Je partage d’ailleurs ici deux superbes chroniques, parce que pourquoi s’en priver ! Ms Mage – How
Alors pourquoi je ne sors pas plus de bouquins ? Deux raisons principales : un travail à temps complet (39h/semaine) qui me demande beaucoup d’espace mental et le temps de mettre de côté de quoi avancer la publication du prochain livre ! Si ce type d’article vous intéresse, je pourrais le reproduire pour ma prochaine publication, Éphémère, qui pour le coup est un roman et risque d’être très différent !
J’espère que ce long article aura pu apporter des éclaircissements sur ma façon de travailler et sur un pan particulier de l’auto-publication, je reste dispo en commentaire ou par mail/twitter pour d’éventuelles questions supplémentaires 🙂
How
Cet article est hyper intéressant ! Même si tu as pris l’exemple de 2040, qui est un recueil et donc un peu particulier, je trouve que c’est tout de même très parlant, rien que pour répondre aux “c’est trop cher” – en passant, je ne trouve pas du tout le prix excessif, au contraire, quand on voit la qualité déjà visuelle, mais aussi celle du texte…
Merci de partager ton expérience avec nous, ça permet vraiment de voir ce qui peut se cacher derrière le choix de s’auto-éditer. D’ailleurs je serais ravie de voir ça pour Éphémère aussi. ☀️
Sophie Castillo
Merci beaucoup ! ♥
C’est noté pour Éphémère, il risque d’être encore plus particulier celui-ci ! En fait je pense que je vais faire de même pour Ceux qui restent aussi, histoire d’avoir des exemples exhaustifs, vu qu’ils sont censés paraître la même année. Je vais y réfléchir !